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21/05/2024Je tiens d’abord à remercier tous les participants de cette expédition pour le courage,  la ténacité, et l’esprit d’entraide dont ils ont fait preuve tout au long du voyage. C’était du « team building » de haut vol ! Merci également pour la confiance qu’ils m’ont accordée. Meilleurs Salam aux guides Jahangeer et Alam qui m’ont soutenu avec tant d’amitié et d’efficacité.

Pour être honnête, 10 jours après notre retour je ne suis toujours pas remis de ce voyage ! Cette 4eme édition de la grande traversée du Karakoram a été dure, « l’ Aventure totale » annoncée a bien portée son nom. Il a fallu attendre le 2 mai, soit 19eme jour de voyage, pour que je sois rassuré sur son issue. Ce jour là nous sommes descendus dans la neige profonde des pentes du Lupke la pour rejoindre la grande plaine glacée du Sim Gang glacier, autrement dit Snow Lake, où l’on peut s’estimer en sécurité pour rejoindre Biafo et enfin perdre de l’altitude vers des contrées plus clémentes.

Avant notre descente sur le Sim Gang chaque journée apportait son lot de difficultés. Avec les autorités pakistanaises à l’entrée de la vallée de Shimshal, avec les Shimshalis pour organiser le portage, avec les ânes trop chargés sur des chemins trop escarpés, avec du matériel perdu dans la chute de l’un d’eux, avec une grève de porteurs après 7 jours de treks, des affaires abandonnées sur les cailloux du glacier de Braldu… Ensuite l’hiver s’est installé en altitude, des grosses chutes de neige, des journées sans visibilités. Quelques symptômes de mal aigüe des montagnes parmi les équipiers faisaient monter la pression, et le col de Lupke la, perdu à 5620 m dans la tempête, nous semblait de plus en plus éloigné ! Mais faire demi-tour est encore plus compliqué quand on est engagé sur le glacier de Braldu, le village de Shimshal est trop loin : 90 km. Il y a une bascule dans ce genre de voyage, quand on réalise que les amarres qui nous relient au monde ont été larguées.

A force d’y croire, à force d’entraide dans le groupe, à force de grignoter lentement les kilomètres dans l’immense désert blanc du haut bassin de Braldu, nous sommes arrivés au col le 1er mai vers 14h, avec le soleil. C’était tellement beau, tellement grand et réjouissant que nous y avons installé notre camp. 7 tentes jaunes et minuscules au milieu d’immensité  blanches, de paysages surnaturels baignés dans des brumes vaporeuses. Sublimes récompenses.

La trêve météo a duré 2 jours, le temps du franchissement du col. Au camp de Sim Gang nous avons vu entrer une nouvelle perturbation, les nuages lenticulaires coiffaient les parois du Baintha Brakk dès le matin. On s’en enfuit vers le grand carrefour glaciaire de Snow Lake, face aux tours de Solu qui se fondaient déjà dans les brumes. L’entrée du glacier de Biafo noircissait à mesure que l’on s’en approchait. Il fallait éviter de se faire piéger sur Snow Lake, à 5000 m, par de nouvelles grosses chutes de neige. On s’est réfugié sur le glacier de Biafo à 4500m, sous les remparts de granit du Uzun Brakk. A cette altitude la neige ancienne portait beaucoup mieux, et celle qui tombait se transformerait vite. En effet nous n’avons plus été embêté, le temps s’est adoucit et le retour s’est déroulé sans soucis. On s’endormait à la pause sur les pulkas mais les tourments étaient derrière nous.

21 jours après notre départ de Shimshal nous avons posés nos sacs à Askole, fatigués et heureux.

Cette traversée est exceptionnelle à plus d’un titre, spectaculaire et variée de bout en bout, aucune journée ne se ressemble sur les 184 km parcourus. Les dimensions sont toujours énormes quelque soit la morphologie des paysages : profondeur des canyons de la Pamir-i-tang, immensités des espaces du col de Shimshal, sauvagerie des plaines arides du versant chinois, gigantisme des fronts morainiques du glacier de Braldu, plénitude polaire des hauts bassins glaciaires cernés de flèches de granit et de draperies de séracs.

Ce long périple est à mon sens le voyage ultime dans l’extrême sauvagerie du Karakoram ! Jahangeer et moi y avons célébré notre 60eme anniversaire, c’était un très beau cadeau que l’on gardera précieusement dans nos coeurs.

GALERIE PHOTO

Je ne reprogrammerai pas cette traversée de Shimshal à  Askole, principalement à cause des difficultés rencontrées pour assurer correctement le portage du matériel sur le trek d’approche depuis le village de Shimshal jusqu’à la neige sur le glacier de Braldu. J’avais déjà eu des soucis lors des éditions précédentes, j’ai même été obligé de renoncer en 2018 (pénurie de porteurs). Cette année encore les rapports avec les Shimshalis ont été trop compliqués.

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